Interview d'Urs Hungerbühler, designer GA Wings

23/06/2023

[Article sponsorisé]

 

1/ Bonjour Urs, Tu es l'homme secret derrière tous les produits GA Wing, Kites et Foils, peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Urs Hungerbühler, je suis né et j'ai grandi en Suisse. Dans ma jeunesse, nous étions très portés sur les sports de montagne, comme le ski, l'escalade et le vol en parapente. J'ai commencé à travailler pour une entreprise suisse de parapente, en améliorant les ailes, vers le milieu des années 90. À cette époque, nous construisions déjà des kites pour une utilisation terrestre comme des skis, des buggys, des mountainboards... Nous savions tous que si nous parvenions à construire un cerf-volant capable de redécoller de l'eau, il deviendrait un nouveau sport nautique avec un grand potentiel. Quand nous avons vu les premiers kites à boudins arriver, avec 2 lignes à l'époque, nous avons commencé à travailler sur un kite à 4 lignes, plus performant et avec un meilleur contrôle qu'avec deux lignes. Mes deux frères et moi avons commencé à construire des ailes de kite capables de redécoller de l'eau. Très vite, certaines des grandes entreprises de planche à voile sont arrivées sur le marché et nous avons compris que nous ne pouvions pas rivaliser avec elles et nous avons laissé l’aventure kitesurf continuer un moment sans nous. J'ai ensuite déménagé à Tarifa en Espagne pour profiter du vent et naviguer un maximum. Après un certain temps, j'ai commencé à travailler avec Monty Spindler sur des ailes de kite. Il a ensuite pris contact avec Knut Budig (actuel GA Sails CEO), pour voir s'ils pouvaient travailler ensemble. Knut à cette époque était déjà impliqué avec Gaastra et cherchait en fait des personnes capables de concevoir des ailes de kite. C’est à ce moment qu’a commencé ma collaboration avec Gaastra. Lorsque Gaastra a commencé à construire sa propre usine, j'ai passé pas mal de temps en Chine. Pendant ce temps, j'ai commencé à apprendre à parler chinois et j'ai rencontré ma femme, qui est taïwanaise. Après cette période, je voulais toujours rester dans la région chinoise pour mieux apprendre le chinois, mais je ne voulais pas rester en Chine elle-même. C'était donc une sorte d'évidence de sauter du côté de Taïwan. Ici, nous avons du vent et des vagues en permanence, ce qui permet de naviguer et de tester les produits très facilement. C'est du kite en hiver et du wingfoil ou n'importe quoi avec des foils en été. Plus récemment, j'ai commencé à travailler la gamme de foils et depuis 4 ans, sur des wings GA.

 

2/ Quel est le processus pour concevoir / développer une aile de wing ? Quels sont les points majeurs sur lesquels tu te concentres pour faire la base du design ?
Repartir de zéro, par exemple quand la wing arrive, et malgré l’expérience en kite, est un processus assez long. Avec le temps, quand il y a une base, ça devient un peu plus simple. Je fais habituellement d'abord quelques calculs de base pour définir un profil. C’est la base, et pour cela, je fais des simulations de rendement. Maintenant, ce n'est pas une simulation d'une aile. C'est trop difficile, car les ailes sont flexibles. Cela signifie que nous n'avons pas tous les paramètres d'entrée corrects. Dans les CFD (Computational Fluid Dynamics/ Mécanique des fluides numérique), une petite erreur d'entrée n'est pas seulement une petite erreur de sortie, mais une bêtise totale. Cependant, pour le développement du profil, nous pouvons faire des simulations et des calculs pour définir la vitesse, la portance, la vitesse de décrochage, etc. Une fois que j'ai obtenu un profil, je vais dessiner une aile dans un logiciel 3D, qui est paramétré. Cela signifie que je peux modifier les paramètres assez facilement sans avoir à redessiner l'aile. Là, je manipule l'aile, ajuste tous les paramètres, comme la courbe LE (Leading Edge / Bord d’attaque), AR (aspect ratio), la forme de la pointe et tous les paramètres imaginables. Une fois que j'ai obtenu une aile comme je le souhaitais, je fais l’export du fichier 3D dans un plan 2D. Je manipule ensuite le plan de manière à ce que l'usine comprenne l'aile et sache comment elle doit la fabriquer : les types de coutures, les renforts, la définition et l’orientation des matériaux, etc. L'usine construit alors un prototype. Dans le meilleur des cas, je peux aller à l'usine (ce qui par exemple n’était plus possible à cause de la Covid) pour contrôler l'aile, voir les problèmes et les moyens d'améliorer la construction. L’étape suivante consiste à faire tester les ailes par des testeurs (ou moi-même pour certains aspects de base) analyser les commentaires et faire évoluer l'aile en conséquence.

 

3/ Les matériaux semblent être un des paramètres les plus importants dans les nouvelles générations d'ailes de wingfoil, peux-tu nous en dire plus ?
Les matériaux utilisés sont importants pour plusieurs raisons. Les ailes doivent être légères, mais toujours durables. Elles sont très souvent en contact avec l'eau, elles subissent des contraintes importantes, les riders tombent dedans, les plient, doivent les retourner et les mettre sous pression... De plus il n'y a pas de support pour garder la forme autre que la pression dans les tubes. Pas de brides et pas de mât carbone. Pour les rendre rigides, il faut une certaine pression dans les tubes, ce qui est déjà une contrainte élevée sur les coutures, par exemple. En utilisant l'aile, elle fléchit, ce qui ajoute plus de charge aux coutures. Donc, fondamentalement, les wings sont beaucoup plus contraints qu’une aile de kitesurf, particulièrement sur les tubes. Pour ce qui est de la voilure les ailes, c’est un paramètre délicat à gérer. Le spi doit avoir un minimum de tension pour qu'une aile vole bien. Cette tension peut être perdue avec seulement un peu d'étirement du matériau, ce qui entraîne alors un bord de fuite qui flappe, une répartition des forces déséquilibrée, et de mauvaises performances. Les exigences envers les matériaux sont donc très élevées, avec une influence directe sur le prix de l’aile. C’est pourquoi nous testons en permanence des matériaux de différentes qualités, de différents fabricants, pour chercher le meilleur compromis performance / durabilité / coût.

 

4/ Cette année, nous avons introduit les nouvelles ailes Cross et Poison. Peux-tu nous en dire plus sur les spécificités de chaque modèle (profil / diamètre des tubes / forme du strut…), et leur programme ?
La Cross est une aile de freeride polyvalente destinée aux riders débutants, comme aux confirmés qui aiment avoir de la ressource de puissance en permanence), et la Poison est destinée à des pratiquants plus techniques, qui savent générer de la puissance sur le foil, recherchent une maniabilité maximum, avec une grande neutralité, et des meilleures performances de speed. Le profil du Cross est développé pour générer de la portance et de la poussée vers l'avant même à basse vitesse. Il est également plus indulgent pour les erreurs de pompage dans la phase de décollage le décollage et ne perd jamais sa traction. Le strut (boudin central) est incliné pour une meilleure ergonomie et moins de fatigue des mains/poignets. Le Leading Edge (LE / Bord d’attaque) et le strut ont un diamètre équivalent pour un feeling raide et nerveux. Cela facilite le maniement de l'aile et ses performances. Sur la Poison, nous avons utilisé un profil plus rapide et plus agile. Il a besoin d'une meilleure technique de pomping que la Cross pour générer de la puissance dans les mêmes conditions et est moins indulgent. Le strut est également incliné (Z-shape), pour la même raison. Cependant, sur le Poison, c'est un peu plus segmenté/travaillé afin de connecter la latte plus en avant sur le spi. Cela rend le profil un peu plus raide et plat, et nous pouvons utiliser un diamètre de tube moins important pour la même rigidité. En revanche ce profil plus plat permet d’obtenir de meilleures performances en vitesse de pointe, remontée au vent, une meilleure tenue en haut de plage d’utilisation, et est beaucoup plus neutre dans les manœuvres, mais est moins tolérant. Nous avons donc deux ailes aux comportements, programmes et public cibles bien distincts.

 

5/ Dernière question, tu conçois aussi la gamme de foils GA, peux-tu nous parler de ta dernière création, le foil GTX et les nouvelles ailes MP ?
Les ailes MP (890 / 1090 / 1290 / 1490 cm²) sont développées pour la haute performance. Elles ont un Aspect Ratio assez élevé. L'AR n'est pas le même pour toutes les tailles, il commence par 7,4 sur la plus petite aile et se termine par 8,5 sur la plus grande aile (la 1490 étant dédié à l’ultra light wind / dock start). De cette façon, le feeling est très similaire quand on passe d’une taille d’aile à l’autre, on n’est pas dépaysé. Nous avons aussi amélioré la stabilité sur les petites tailles d’ailes, ce qui permet lorsque l’on navigue de se concentrer sur la vitesse et non sur le contrôle (facilité = vitesse). Nous avons développé pour ces ailes un profil très rapide, qui a toujours une énorme plage de vent, ce qui signifie qu’elles sont aussi efficaces dans le vent léger, grâce à leur nervosité et leur capacité à réagir au pumping, que dans le vent fort. L'un des problèmes des ailes à AR élevé est la maniabilité. Nous avons résolu ce problème avec une forme de pointe assez sophistiquée. Il n'y a pas beaucoup de surface et c'est une pointe très "glissante", et qui ne bloque pas du tout l’aile dans les courbes. Enfin, sur le nouveau mât carbone GTX, nous avons travaillé un nouveau profil, avec une épaisseur réduite. Grâce au travail sur les matériaux, nous conservons la raideur, pour un ensemble très nerveux et très glissant, avec deux tailles disponibles, 85 et 97 cm.

 

Source : GA Wing
Photos : GA Wing

tags: GA Wing Urs Hungerbühler Cross Poison GTX

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